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LES INDISSOCIABLES DU CLF - FRANCK PAMART ET LES LIENS DE LA LIBERTÉ

Ceux qui côtoient le centre hospitalier d'Ambert au quotidien ou pour les accidents de la vie, y ont déjà croisé Franck Pamart, qui y exerce ses talents professionnels comme kinésithérapeute.

Mais il y a un autre Franck, moins connu, qui depuis quelques années, s'adonne à la course à pied au sein du club Courir en Livradois Forez.

Deux personnes qui courent côte à côte, dont une équipée d'une chasuble jaune fluo avec écrit en grosses lettres noires dessus : GUIDE. Elles sont reliées par les poignets par un lien de 50 cm. Sans doute les avez-vous déjà rencontrées ?

Car si Franck a le physique pour courir, il ne peut le faire seul, car il est non-voyant, d'où la grande importance de ses guides. Et comme il l'a dit lui-même :"un article sur moi je veux bien, mais il faut mettre en avant et valoriser le rôle de mes guides". Toute la modestie de Francky est résumée dans cette phrase : ce n'est pas lui qui a le courage de courir en surmontant son handicap, non ! Ce sont ses guides qui répondent toujours présent pour lui.

Mais si l'on peut penser de prime et à tort qu'il est surtout le grand bénéficiaire de cette coopération, la réponse est sans doute comme l'iceberg, avec une grande partie immergée. Chaque course ou entrainement est en vérité un échange où l'humain prend le dessus sur tout autre considération.

Elles/ils sont huit à l'accompagner : Mireille Boithias, Béatrice Chassagnon, Sylvie Chezal, Patrick Chassagnon, Jean-François Combes, Jean-Pierre Devos, Thibault Olivet et Philippe Tarrit, plus connu sous le surnom de Toto.

Donc c'est à la rencontre non pas d'une personne mais d'un groupe solidaire que nous allons.

1) Franck, comment es-tu venu à la course à pied ?

D'abord avec mes enfants, Katia ma belle-fille et Ianis mon fils. Je trottinais avec eux quand ils étaient petits. On se tenait par le coude. Ensuite avec Daniel Duret et Mireille Boithias que je côtoie au quotidien et qui m'invitait déjà à venir au club. Avec Hassan Kahaloun également avec qui nous avons "inventé" le lien au poignet qui est un simple lacet. Puis j'ai eu comme stagiaire kiné, Julien Chartoire, qui m'a aussi conseillé de rejoindre le club. J'ai alors sauté le pas et suis venu la première fois avec mon épouse Martine.

2) Peut-on dire que grâce à cette pratique, tu t'es ouvert un nouvel espace de liberté et en dehors de ta famille et du travail, un nouvel espace social ?

Oui, absolument. Les rencontres, les amis que l'on se fait à travers la pratique sont très riches. Après, un espace de liberté c'est certain, mais comme il me faut un lien avec mon guide pour courir c'est paradoxal. En fait je dirais que le lien qui m'aide à courir favorise ma liberté.

3) Outre bien sûr tes guides, qu'apprécies-tu dans la course ?

Le bien être qu'apporte l'effort physique, le dépassement de soi. En compétition mon objectif principal est de finir le parcours. L'autre aspect est bien sûr le contact humain qui m'apporte beaucoup.

4) Adaptes-tu ta façon de courir suivant ton guide ?

Avec les habitués, on va dire les principaux, on n'a plus besoin de se parler, c'est naturel. Avec d'autres qui me guident moins souvent ou débutent, je fais plus attention. Eux aussi, je les sens très prudents.

5) Ton meilleur souvenir de coureur ?

Le semi marathon de Bonson dans la Loire, avec Patrick. Tous les participants du CLF sont venus nous chercher dans le dernier kilomètre. J'étais cuit et sans eux j'aurais marché. C'était un formidable moment, une intense émotion. J'en avais des frissons en franchissant la ligne d'arrivée.

6) Ton plus mauvais souvenir de coureur ?

Ma non participation au marathon de Paris en 2017. Trois semaines avant, au semi marathon de Vichy j'ai dû arrêter. On m'a diagnostiqué une fracture de fatigue. Il a fallu se soigner et j'ai ressenti un grand vide. J'en aurais pleuré de ne plus pouvoir éprouver les plaisirs de l'effort, la liberté de la course.

7) Tes objectifs et défis futurs dans la course ?

Un semi marathon, peut-être dès le printemps prochain, et ensuite si tout va bien et en accord avec mes guides qui sont aussi mes coachs, un marathon, je l'espère. Mais avec comme objectif, finir, le temps importe peu.

Après avoir interrogé Franck, intéressons-nous à présent à ses guides. Aucun des deux partis n'a eu connaissance des réponses de l'autre, donc nous restons vraiment dans le ressenti. C'est une synthèse de toutes les réponses mais on y retrouve toujours les mêmes sensations, même si les mots sont différents pour les exprimer.

A) Comment s'est fait votre première prise de contact avec Franck et comment avez-vous appréhendez la mise en place de la première séance ?

CLF a toujours eu la volonté d'ouvrir le club à tous les pratiquants quelque soit leur niveau et attente et en la circonstance leur handicap. C'est Mireille Boithias qui en a parlé au sein du club. Ensuite, naturellement, certains en voyant Franck courir avec un guide ont tout bonnement proposé leur service afin d'établir un roulement et être sûr qu'à chaque séance il y a quelqu'un pour lui.

B) On peut imaginer que guide demande une énorme concentration, est-ce un peu stressant ?

Effectivement nous sommes les yeux de Franck. Il faut être attentif et concentré d'où le système de roulement pour ne pas s'user et être plus disponible lorsqu'on le fait. Stressant n'est pas le mot juste mais c'est vrai qu'on l'amène dans un monde où il manque forcément de repères avec plein de paramètres à prendre en compte, telles que les imperfections de la chaussée, les trottoirs, le mobilier urbain, la circulation... Avec le temps on s'habitue à mieux les appréhender. Il faut bien anticiper, surtout de nuit. Mais Franck ne se plaint jamais, même, malheureusement, quand il chute. Lorsque l'on est en groupe il faut gérer aussi les autres coureurs qui ne se rendent pas toujours compte qu'il faut laisser un peu d'espace autour du binôme que nous formons.

C) Outre le fait que vous permettez à Franck de courir, que vous apporte cette collaboration ?

C'est très enrichissant de courir avec Franck, de sentir qu'on lui apporte un peu de bonheur dans un monde sans couleur, qu'il puisse courir malgré son handicap que l'on oublie très vite. Mais l'aspect sportif devient un alibi à une rencontre humaine et la seule participation aux compétitions est bien plus valorisante que tous les podiums. Le voir s'épanouir dans la course est très satisfaisant et tout le monde l'apprécie beaucoup. C'est quelqu'un qui a un excellent relationnel. D'ailleurs il est impliqué dans le club de part son métier, en strapant des chevilles, des épaules, en mettant un nom sur de petites douleurs. Il va proposer prochainement une séance de sophrologie.

D) Lorsque l'on accompagne ou encadre des groupes, il y a une forme de convivialité et de complicité qui se construit au fur et à mesure des séances, mais là, peut-on parler d'un degré encore plus important dans cette relation humaine et sociale ?

Oui, une autre dimension est abordée dans cette relation, on en retire une gratitude d'une valeur exceptionnelle, c'est le change, la récompense de notre investissement. Plus que de la complicité, une certaine fraternité se noue pourrait-on dire. C'est obligé aussi car Franck se repose entièrement sur nous et nous fait une totale confiance. Mais si l'on échange forcément beaucoup en courant, on le considère comme n'importe quel autre coureur du club. Il s'adapte à la séance proposée dans le groupe qu'il intègre.

E) Les futurs défis que vous envisagez et construisez avec Franck ?

Nous avons dans l'idée de participer à un semi marathon, voir un marathon si le physique suit. Car c'est un objectif que Franck a en tête. Quoiqu'il en soit ce jour-là, en plus de celui qui le guidera, nous serons nombreux autour de lui pour participer à cette aventure.

Donc on pourrait dire en conclusion de cette rencontre, que le lien qui relie Francky à ses guides est dans un sens un fil de vue qui est la partie visible de l'iceberg et dans l'autre la partie immergée, la plus importante, un fil de vie.

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